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Historique de l'immeuble
Tout le secteur situé à l'ouest de la rivière du Chêne, le long de la rue Saint-Louis, entre le petit pont et la rue Féré, a été loti à partir de deux terres, concédées en 1741 à Joseph Forgette et en 1756 à Pierre Paradis. Celle de Joseph Forgette est devenue plus tard la terre des Féré et celle de Pierre Paradis a été acquise par le notaire Pierre-Rémy Gagnier. Le notaire Gagnier puis son gendre le docteur Labrie vont subdiviser plusieurs terrains, le long du chemin du roi, pour les vendre à des habitants qui désirent se construire une maison au village. C'est ainsi qu'en 1819 Laurent Poirier, «faiseur de chaises», acquiert un des lots du docteur Labrie pour la somme de 400 livres. Il le revend en 1822 au forgeron Antoine Maillet qui s'y construit une maison de bois. Lorsque Maillet revend le terrain à Louis Laurion en 1824, il indique qu'il va partir avec sa maison!
Louis Laurion est un sculpteur dans l'atelier de Louis-Amable Quevillon, le décorateur d'églises de l'atelier des Écorres, à Saint-Vincent-de-Paul. Avec René Beauvais dit Saint-James, Quevillon a obtenu en 1821 le contrat de décorer l'église de Saint-Eustache. Laurion signe donc un contrat en mai 1824 avec le maçon Antoine Robillard pour lui construire une maison de pierre de deux étages. Lorsque Laurion revend le terrain à Pierre Janvry dit Bélair en 1827, la maison n'est cependant pas terminée et de nombreux matériaux sont encore dans la cour. Janvry, qui est cultivateur dans la côte du Lac et qui opère la traverse du Grand-Moulin, sera donc le premier occupant de la maison, une fois terminée.
Le 14 décembre 1837, comme une bonne partie du village, la maison est incendiée durant la bataille. Elle restera en ruines pendant neuf ans, témoin de la lutte. En septembre 1838, Pierre Janvry donne le terrain et les murs de pierre qui subsistent à son fils Édouard, comme cadeau pour son mariage avec Marie-Charles Dumoulin. Un an plus tard, Édouard revend le tout à Ambroise Brion dit Lapierre, un cultivateur de Saint-Eustache. En mai 1846, Lapierre signe un marché de construction avec le maçon Ulric Robillard. Ce dernier devra démolir ce qui reste des murs du second étage et reconstruire la maison dans les murs du rez-de-chaussée. C'est cette maison que nous pouvons toujours observer aujourd'hui sur la rue Saint-Louis.
De nombreuses familles ont habité la maison dans le siècle et demi qui a suivi. Parmi elles, mentionnons celle de François Andegrave dit Champagne, un ancien cultivateur qui vient s'établir au village en 1874 après le décès de son épouse Émilie Grignon. Sa fille Sophie et son époux Isidore Quenneville héritent de la maison au décès de François et y vivent à leur tour jusqu'au décès de Sophie, en 1919. Parmi les autres familles, il y a aussi des Richer, des Renaud, des Légaré et des Bélisle.
Anecdotes pour la petite histoire...
Lors d'une restauration de la maison en 1982, un maçon qui avait fait son apprentissage en murs de pierre traditionnels auprès d'un vieux maçon breton, a fait deux découvertes. En faisant le curetage des couches anciennes de mortier, il a pu identifier ce qui semblait être la plus vieille, datant peut-être de la reconstruction de la maison en 1846. Elle était faite avec du sable rose qui donnait à ce mortier une teinte rosée assez étonnante. Dans un esprit d'authenticité, il a alors été décidé de refaire l'ensemble de la muraille avec un mortier de cette couleur. Cela n'a peut-être pas plu à un propriétaire subséquent, car lors de rénovations dans les années 2000, il a été remplacé par un mortier gris moderne...
Sa seconde découverte a été de retrouver dans le mur de pignon Ouest sous plusieurs couches de mortier, les trous d'environ 15 cm de côté qui étaient laissés entre les pierres pour y insérer des madriers pour monter un échafaudage en hauteur, le long du mur. Il s'agissait là d'une technique datant de l'époque romaine qu'utilisaient au Moyen-Âge les bâtisseurs des grandes cathédrales. N'oublions pas qu'avant son incendie en décembre 1837, cette maison avait un étage de plus. Après le démontage de l'échafaudage, une petite pierre venait boucher l'orifice et un «X» était tracé dans le mortier pour en indiquer la présence, pour réutilisation future. Notre maçon a donc conservé ces témoins du passé et tracé à nouveau les «X» dans le mortier. Malheureusement, ceci a aussi disparu dans les rénovations des années 2000.
Il est à noter que comme pour sa voisine la maison Lamoureux au 61, rue Saint-Louis, il n'y avait pas de salle de bain dans cette maison jusqu'aux années 1940. Seule une toilette avait été installée au rez-de-chaussée en fermant un petit coin de la cuisine. Ce n'est qu'en 1952 qu'une salle de bain avec baignoire a été aménagée à l'étage.
Références
- Grignon, Claude-H. et André Giroux, Le circuit historique du vieux Saint-Eustache, Saint-Eustache, Ville de Saint-Eustache, 1989, pages 27-28.
- Lemire, Jonathan, «Ambroise Brion dit Lapierre», dans L'Éveil, 12 et 28 octobre 2013, pages 8.
- Vallières, Marc-Gabriel, «La maison Brion», dans L'Hebdo régional des Deux-Montagnes, 17 janvier 1984, page 12, et 24 janvier 1984, page 12.
- Vallières, Marc-Gabriel, «Un faubourg des arts», dans L'Hebdo régional des Deux-Montagnes, 31 janvier 1984, page 12.
- Vallières, Marc-Gabriel, «La maison Brion à Saint-Eustache», dans Cahiers d'histoire de Deux-Montagnes, volume 11, numéro 1, juin 1989, pages 25 à 28.
- Vallières, Marc-Gabriel, «Les maisons d'ancêtres: 28. La maison Brion», dans L'Éveil, 27 octobre 2001.