19. La maison Isaïe Lamoureux à
Saint-Eustache
par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 9 décembre 2000.
La maison Isaïe Lamoureux au 61, rue Saint-Louis (photo MGV)
La maison Isaïe Lamoureux est représentative de nombreuses maisons construites dans les années 1880 et 1890 dans le village de Saint-Eustache, notamment par l'entrepreneur Georges Lauzon, qui était aussi maire du village. Celle-ci est située au 61 de la rue Saint-Louis. Ses murs sont en déclin de bois, aujourd'hui recouverts de vinyle et son toit est à la Mansart, encore recouvert de tôle à baguettes il y a quelques années.
Les terrains de toute cette partie du village, soit le cimetière de la paroisse de Saint-Eustache, la rue Saint-Louis entre la rivière du Chêne et la rue Saint-Denis, ainsi que la rue Chénier formaient une seule et même terre, concédée en 1756 à Pierre Paradis. Ayant été plus tard acquise par le notaire Pierre-Rémy Gagnier, la terre passe après sa mort à son gendre le docteur Jacques Labrie qui commence à subdiviser et à vendre les terrains qui bornent la rue Saint-Louis. Le terrain qui nous intéresse est acquis en octobre 1820 des mains du docteur Labrie par Laurent Plouffe.
Dans les années 1830, c'est Marguerite Gagnon, veuve d'Amable Chardon (ou Chardron, selon les documents) qui acquiert l'emplacement de ce qui s'appelle à l'époque non pas encore la rue Saint-Louis mais bien la côte Saint-Rémi (en l'honneur du notaire Pierre-Rémy Gagnier) ou la côte du Lac. Amable, qu'elle avait épousé à Saint-Eustache en 1815 est décédé à la fin des années 1820, la laissant avec six enfants à nourrir, dont cinq en bas âge. Elle s'installe donc sur ce terrain comme fileuse, pour subvenir à leurs besoins.
Lors des événements de 1837, sa maison est incendiée, comme toutes les autres de la rue. Mais elle reconstruit sa demeure et y habite jusqu'aux années 1860. C'est alors qu'un journalier, Isaïe Lamoureux, en fait l'acquisition. Il y habite avec sa famille, voisin de son frère Joseph, qui occupe le lot plus à l'ouest.
C'est probablement vers 1890 que la maison actuelle est construite, peut-être par l'entrepreneur Georges Lauzon. Non seulement cette maison est exactement dans le style de celles que construit ce dernier, mais Lauzon possède déjà des hypothèques sur les terrains des deux frères Lamoureux.
En 1892, devenu veuf de son épouse Narcisse Lebrun, Isaïe divise son terrain en deux parties égales et les vend à ses deux fils Salvini et Félix. La maison et la moitié est du terrain va à Salvini alors que la moitié ouest, sans bâtiment, va à Félix.
Isaïe Lamoureux fait beaucoup parler de lui en 1899. Il décède en effet de mort violente en juillet 1899 lors d'un charivari à Saint-Joseph-du-Lac. Lorsqu'une veuve, par exemple, se remariait avec un célibataire plus jeune qu'elle ou lorsque le mariage était annoncé entre des époux ayant une très grande différence d'âge, les habitants des environs allaient, durant la nuit, faire du tapage autour de la maison et tourner les époux en dérision. Lors d'une de ces aventures, organisée par des membres et des amis de la famille Lamoureux, des vitres sont brisées, une bataille s'en suit et un coup de feu est tiré, tuant Isaïe sur le coup.
Salvini Lamoureux, fils d'Isaïe, habite la maison jusqu'à son décès en 1930. Ses héritiers Charlemagne, Émile et Armandine Lamoureux prennent alors possession de la maison et la revendent en 1938 à Agzel Cloutier, dont plusieurs se rappellent. Ardent bavardeur, celui-ci va animer ce coin du village jusqu'à son décès en 1982.