24. La maison Dutrisac à Saint-Eustache

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 28 avril 2001.


La maison du forgeron Venant Dutrisac au 73, rue Saint-Louis (photo MGV)

En passant aujourd'hui devant la maison de Venant Dutrisac, au 73 de la rue Saint-Louis, rien ne nous laisse penser qu'il s'agit là d'une maison ancienne, maintenant cachée sous un revêtement sans grand caractère. Elle a pourtant été construite en 1893 par l'entrepreneur Georges Lauzon, pour le compte du forgeron Dutrisac.

Les terrains de toute cette partie du village, soit le cimetière de la paroisse de Saint-Eustache, la rue Saint-Louis entre la rivière du Chêne et la rue Saint-Denis, ainsi que la rue Chénier formaient une seule et même terre, concédée en 1756 à Pierre Paradis. Ayant été plus tard acquise par le notaire Pierre-Rémy Gagnier, la terre passe après sa mort à son gendre le docteur Jacques Labrie qui commence à subdiviser et à vendre les terrains qui bornent la rue Saint-Louis. Après son lotissement, le terrain qui nous intéresse passe en plusieurs mains dont Hyacinthe Leclerc et Thomas Brunet. C'est en octobre 1857 que le forgeron Venant Dutrisac père en acquiert une partie. À la fin des années 1870, il possède trois terrains côte à côte, correspondant aux lots 14, 15 et 16 au cadastre du village de Saint-Eustache. Il installe sa boutique de forge à peu près là où se trouve aujourd'hui le Marché Saint-Louis. Ce n'est en effet qu'au 20e siècle que la petite rue David-Lord va être percée entre les rues Saint-Louis et Chénier. En septembre 1885, Venant Dutrisac père vend sa boutique de forge et les deux terrains qu'il lui reste à son fils Venant, qui prend la relève comme forgeron dans cette partie du village.

Le 28 avril 1893, Venant Dutrisac fils signe un marché de construction avec l'entrepreneur Georges Lauzon(1). Ce dernier est responsable de la construction d'un grand nombre de résidences du vieux Saint-Eustache à cette époque. Il deviendra aussi maire du village en 1901. On peut se représenter facilement la forme de la maison, lors de sa construction, en regardant la maison Isaïe-Lamoureux, un peu plus à l'ouest, au 61 de la rue Saint-Louis. Il s'agissait d'une maison en déclin de bois, avec un toit brisé sur deux côtés, et avec des lucarnes à l'avant et à l'arrière. Malheureusement, la maison a perdu tout son charme au début des années 1960, alors qu'on lui a retiré son toit caractéristique et installé un revêtement plus moderne.

Le forgeron Venant Dutrisac fils ne profite pas de la maison très longtemps. Il éprouve des difficultés financières peu après en avoir pris possession et ne peut payer Georges Lauzon pour l'intégralité des travaux. En 1901, alors que Lauzon devient maire de Saint-Eustache, le forgeron doit lui abandonner la maison, qui sera revendue moins d'une semaine plus tard à l'avocat Hector Champagne, avec les trois terrains où se trouve également la forge.

En 1902, Champagne revend à Trefflé Cloutier la maison et le terrain qui fait aujourd'hui le coin Sud-ouest des rues David-Lord et Saint-Louis. Depuis cette date, cinq générations de Cloutier y ont vécu, Trefflé, Albert, Joseph, Gustave et ses enfants. Cette maison nous montre bien que toute une histoire se cache parfois derrière des murs anonymes!

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(1) Cour Supérieure, District judiciaire de Terrebonne, Bureau du Protonotaire de Laval, Greffe G.-N. Fauteux, minute 2560, 28 avril 1893, Marché de construction entre Georges Lauzon et Venant Dutrisac.